De chirurgien-dentiste à thérapeute – Article (ITW) paru dans ProntoPro en mai 2020

“Ayant grandi dans le creuset d’une famille d’intellectuels, de scientifiques et de médecins, je me suis intéressé très jeune aux disciplines médicales, à la science, et parallèlement à la dimension psychologique des relations humaines et entre les hommes, et leur environnement. Je lisais avec ferveur la psychologie et la psychanalyse de Sigmund Freud et de Carl Gustav Jung, ce dernier ayant profondément et durablement marqué mon esprit, et de grands auteurs de la philosophie, jetant les bases de ce qui allait fonder ma pratique en tant que professionnel de santé”.

Tout ceci va se sentir quelques années plus tard dans les choix de Olivier ARON. Pendant une trentaine d’années celui-ci va exercer le métier de chirurgien-dentiste. Mais une rencontre va tout changer en 2010. Il se frotte à l’hypnose ainsi qu’aux thérapies brèves. Pour ainsi dire, depuis 2015, il pratique les thérapies autant que la chirurgie dentaire dans son cabinet. Mais fin 2018, il choisit de se consacrer entièrement aux thérapies.

“Toute souffrance psychique et/ou physique, toute difficulté relationnelle ou tout trouble du comportement ou de l’adaptation peuvent être l’objet d’un accompagnement grâce aux techniques de la thérapie brève. L’hypnose est l’un des “outils” les plus puissants des thérapies brèves, qui se caractérisent par la mobilisation des ressources propres du patient, orientées vers la mise en jeu très directe de solutions efficaces, mettant en jeu le système émotionnel”, nous fait-il savoir.

Dr Olivier Aron, il y a de plus en plus d’hypnothérapeutes. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Cette situation répond à un problème de société qui met en perspective une adéquation entre un mal-être individuel et social de plus en plus prégnant et son corollaire, une aspiration à exercer une profession épanouissante, hypothétiquement débarrassée des stimulations stressantes qui caractérisent trop souvent le monde du travail.

Nous vivons une époque complexe où s’entrechoquent un matérialisme consumériste désincarné, une course frénétique et déshumanisée à la performance, la dislocation des liens sociaux et familiaux et l’injonction brutale à l’immédiateté, qui privent les individus des moments essentiels de détente et de distanciation avec les sollicitations subies, de toutes natures et  de chaque instant.

Nous avons perdu le fil si précieux qui se tisse entre la relation profondément humaine, la juste adéquation au temps et la nécessaire primauté du sujet sur l’objet.

Il n’est donc pas étonnant de voir exploser la demande de “bien-être”, la souffrance psychique et son lot de conséquences, y compris somatiques et en miroir, se développer des métiers qui répondent autant à cette demande croissante qu’à une aspiration profonde à s’épanouir en travaillant. Le problème réside dans la multiplicité des formations et des pratiques, parfois aussi dans l’effet d’aubaine qui conduit des candidats à ces pratiques, là où ils ne devraient pas se trouver. 

En effet, on ne peut pas comparer des pratiques totalement individualisées qui se fondent sur de solides connaissances en psychologie et en psychopathologie avec la mise en œuvre de “scripts” normalisés censés répondre à des schémas codifiés d’accompagnement.

Faire un bout de chemin avec un sujet qui souhaite arrêter de fumer, n’a rien de comparable avec l’accompagnement d’une addiction lourde ou multiple ou d’une dépression profonde.

Il n’y a rien de commun entre l’abord d’une phobie et l’accompagnement d’un traumatisme complexe.

C’est sans doute de ce point de vue que je suis parfois préoccupé par la pullulation des praticiens en hypnose, en coaching ou toute autre discipline du bien-être, qui peuvent librement prétendre aborder de nombreuses facettes de l’inadaptation psychique.

Il faut en effet tenir compte de l’image fantasmée d’un nombreux public, qui voit dans l’hypnose et ses dérivés une solution magique, alors que sa pratique requiert des connaissances solides, de l’expérience et une profonde compréhension des dynamiques psychiques et psycho-pathologiques.  

 

En quoi la téléconsultation peut être un outil efficace dans l’hypnose ?

La téléconsultation ne diffère pas fondamentalement de la consultation traditionnelle.

Tout dépend de la pratique de l’hypnothérapeute.

Certains praticiens ont parfois ou fréquemment recours à des “contacts” physiques avec leurs patients. Ils sont alors contraints de modifier leur pratique.

D’une façon très générale et “classique”, le lien s’établit par la parole, sans contact, et l’ensemble des phénomènes hypnotiques peut être produit ou induit à distance. L’état hypnotique n’est qu’un état modifié de conscience qui ouvre la porte au travail à proprement parler.

Ce n’est donc pas la façon d’induire un état hypnotique qui conditionne ce que le praticien va mettre en jeu dans la relation avec son patient.

Elle peut avoir de nombreux avantages, parmi lesquels on peut citer :

  • La possibilité de consulter sans avoir à se déplacer
  • Vivre la consultation dans la sécurité, le confort et l’intimité du “chez-soi”
  • Trouver l’opportunité de consulter quand l’emploi du temps, les déplacements où les contraintes de vie personnelle ou professionnelles rendent la consultation classique difficile à organiser
  • Pouvoir consulter un praticien éloigné de son domicile
  • Être en mesure de prolonger un travail en cas de changement de situation géographique, personnelle ou professionnelle
  • Pouvoir profiter du bien être ou d’un repos chez soi immédiatement après une séance en téléconsultation.

L’hypnose et le traitement du cancer, que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

“Le cancer”, expression laconique qui recouvre des situations bien différentes, qui en elle-même avive des peurs, de l’anxiété, souvent une angoisse persistante et invalidante, chez les patients, mais aussi chez leurs proches.

L’accompagnement des malades peut se révéler essentiel autant dans le cours des soins, après une rémission, que parfois en fin de vie. L’hypnose permet d’améliorer l’état de bien-être, a un effet connu, stimulant des défenses immunitaires du sujet, autorise une meilleure tolérance aux effets secondaires des traitements chimiothérapiques et radiothérapiques. L’accompagnement peut également permettre de reconstruire une bonne image de soi et de solidifier l’acceptation des conséquences de la maladie ou la maladie elle-même chez les patients qui subissent des traitements chirurgicaux mutilants ou invalidants.

Pensez-vous que la poésie peut être utilisée comme un outil thérapeutique ?

Il y a un courant de l’hypnothérapie qui s’inspire de la poésie, plus précisément de contes poétiques. La poésie est une forme métaphorique parfaitement cohérente avec les facultés idéomotrices de notre imaginaire.

L’hypnose est par nature un formidable terrain d’exploitation de la métaphore.

Cependant, si la figure symbolique est par essence et par sa définition même interprétable par la majorité des individus, la métaphore, pour être efficace, doit être comprise par le sujet qui la métabolise.

A ce titre, je privilégie une pratique davantage centrée sur le patient, d’une façon générale, en exploitant essentiellement des métaphores proposées par le patient lui-même, et parfois d’autres, qui font appel au sens commun. Le sujet peut alors s’approprier aisément et naturellement ces figures de représentation qui vont mobiliser son imaginaire.

Lorsque l’on demandait à Saint-John PERSE pour quelle raison il écrivait, il répondait : “Pour mieux vivre”. Dans le recueil de poèmes “AMERS”, on peut trouver cette extraordinaire métaphore du travail en hypnose : “J’ai rêvé l’autre soir d’îles plus vertes que le songe…”.

Denise PION Prontopro

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